Renard ou loup ?
A première vue on trouve peu de choses sur le symbolisme du renard dans les livres spécialisés, contrairement à d’autres animaux comme le loup, alors qu’il est pourtant le protagoniste principal de nombreuses fables dont Le Roman de Renart. Présent dans le folklore gaulois, mais aussi dans les folkores japonais, chinois, et amérindiens.
Le mot Goupil, le vieux français pour renard, fut remplacé dans le langage populaire par Renart, par la popularité de la série de fables. Les noms Renart et Ysengrin viendraient du germanique.
Ceci indique vers quelles cultures nous allons nous diriger pour l’analyse.
Les fables ou les contes de fées ont souvent été mis à l’écrit à partir du Moyen-Age, mais ils ont souvent une transmission orale bien plus ancienne. Le Roman de Renart n’est pas une exception.
Dans ces fables de Renart, le loup et l’ours y sont très souvent ridiculisés, à la grande joie du Renart, victorieux.
Le loup, tout comme l’ours, est l’un des animaux principaux du bestiaire paien, compagnon ou avatar des divinités, devenu au temps du christiannisme un animal maléfique.
Bien qu’ennemis, Renart et Ysengrin le loup ne manquent pas de mentionner plusieurs fois qu’ils sont cousins.
A l’époque chrétienne de la mise en écriture, Nous pouvons nous demander s’ il n’était pas risqué de mettre le loup comme protagoniste principal. L’auteur n’aurait-il pas délibérément mis un loup comme antagoniste, et “déguisé” un autre loup en renard, pour nous indiquer, comme d’un coup de coude discret, qu’il sont cousins ? Frères ? Le Roman de Renart n’est-il pas une histoire de loups ? Ou bien le Renart est-il un avatar du loup depuis très longtemps ?
Le renard en langues gauloises se nomme : louernos, luernios, en breton louarn, en vieux gallois louern.
Il se trouve que la plus ancienne version écrite connue du Roman de Renart se nomme Ysengrimus, et mettait en scène le loup comme protagniste principal. Dans cette version Renart n’est pas son cousin mais son neveu. La filliation entre loup et Renart est donc très claire.
Loki, le loup, et la lumière
Le loup est représenté dans la mythologie en tant que symbole solaire et guerrier, mais aussi guide spirituel, c’est aussi la louve nourricière de Romulus et Remus. Le loup a un symbole double, de créateur et destructeur.
Le loup voit très bien la nuit, il voit dans les ténèbres, c’est pour cela qu’on le considère comme un porteur de lumière, car la lumière est “en lui”.
Aussi, un renard n’est-il pas un canidé au pelage roux, un loup de couleur rouge ? Un loup habité par l’énergie solaire, le feu ou la lumière ? Dans la fable publiée chez Chantal Trubert Editeur puis récemment repris chez Adelring, Renart est d’ailleurs coloré en doré à la période où il se fait initier par un barde en Bretagne.
Odin “le père de tous”, est accompagné de ses loups Geri et Freki, les fils d’ Odin dans la Volsunga Saga sont des loup-garous, le loup est un animal totem d’ Apollon le dieu solaire, et également l’un des emblèmes de Loki, et c’est sur celui-ci que nous allons nous arrêter.
Loki est le dieu fripon de la mythologie nordique, maître de l’entourloupe, de la ruse, du déguisement, de l’illusion, de la métamorphose, de la traitrise. Il n’est ni “méchant” ni “bon”, il est juste doué dans ce qu’il fait, il est parfois une calamité mais les dieux font aussi parfois appel à lui pour employer la ruse ou l’illusion à leur avantage.
En ce sens, Le dieu nordique est tout à fait le portrait craché de notre Renart français.
Loki dont le nom est de la même étymologie que Lykos, lycantrope, Luc, Lucie, et le verbe anglais to look… C’est à dire des mots désignants soit le loup, la lumière ou le fait de voir.
Loki est le dieu du feu, ou précisément le dieu de la lumière, de l’éclair qui tombe du ciel. Pour les anciens, le feu n’était rien d’autre qu’une partie de l’énergie du soleil tombée sur Terre. Comme l’étymologie l’indique, il est le prédecesseur du Lucifer chrétien, l’ange déchu, le porteur de lumière.
Loki aura d’ailleurs pour progéniture Fenrir le loup géant.
Et quoi de mieux qu’un renard roux pour représenter un loup lumineux ?
“Sans doute les auteurs de l’un et l’autre poème ( Isengrimus et plus tard Reynardus ) n’ont inventé que très peu; ils ont puisé leurs sujets dans des poëmes antérieurs, probalement même dans des compositions ou traditions françaises, dont nous fondons l’existence sur les allusions des troubadours du douzième sècle, et sur les emprunts évidents et incontestables faits aux poëmes de ce siècle en flamand et en allemand. »
M.A. Rothe, Les Romans du Renard, examinés, analysés et comparés, d’après les manuscrits les plus anciens, les publications latines, flamandes, allemandes et françaises, précédés de renseignements généraux et accompagnés de notes et d’éclaircissements philologiques et littéraires.
Maintenant que nous avons expliqué que le Roman de Renart empruntait à la culture française ( gauloise ), à la culture germanique et nordique, nous expliquerons dans la prochaine partie quelles traditions se trouvent dissimulées dans le texte du Roman de Renart.
