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Roman de Renart et Lycanthropie

Nous avons vu dans l’article précédent que le Roman de Renart puisait ses origines en partie dans la culture germanique.

Voyons maintenant quelles coutumes et symboles de l’ancienne Europe se retrouvent dans ces fables.

 Renart et la fonction sacerdotale

L’histoire telle qu’elle est racontée dans la version illustrée par Jean Trubert débute au palais royal, où le roi, le lion Noble, est malade.

Lorsque Renart aparait à la cour du roi, il porte une tenue de pèlerin et apporte des herbes médicinales pour le roi. Puisque le Roman de Renart emprunte au paganisme, mais de manière déguisée, la tenue de pèlerin n’est-elle pas comparable à une autre tenue religieuse, une tenue de druide ? de sorcier ?

L’analogie entre le roi, le lion et le soleil n’est plus à démontrer. Arrêtons nous sur la comparaison entre druide, sorcier, renard, loup.

 

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Renart et sa tenue de pèlerin, par Jean Trubert.

 

 

Le druide est celui qui cueille le gui, symbole solaire, et plante réputée pour guérir de nombreux maux ( herbes médicinales ). Nous pouvons également citer Hödr et Loki, divinités de la mythologie nordique, qui cueillent le gui pour tuer Baldr, le dieu représentant le soleil.

Loki et Hödr sont des sorciers, des magiciens, ils appartiennent à la fonction sacerdotale, contrairement à des divinités comme Thor, Tyr, qui appartiennent à la fonction guerrière ( celà change parfois selon les époques et les versions ).

Nous avons déjà comparé Renart à Loki précédemment. Cette tenue de pèlerin que porte Renart renforce donc l’analogie. Le druide est l’ancêtre du prêtre, du moine, le sorcier n’est autre qu’un prêtre pratiquant l’ancienne religion, diabolisé par la nouvelle religion en place, mais tous appartiennent à la fonction sacerdotale. Il semble qu’ici, Renart remplisse ce rôle par sa tenue et par les remèdes qu’il se propose d’amener au roi.

Voyons maintenant une autre forme de magie.

 

Ysengrin, berserks et wulfhednars

 

Parmis les remèdes qui sont proposés au roi, Ysengrin lui propose d’abord de manger le foie d’un bouc, ensuite Renart lui propose de revêtir une peau de loup.

Voilà qui est intéressant, par quel moyen un foie de bouc et une peau de loup peuvent-ils soigner les blessures ou curer une maladie ?

Revêtir une peau de loup nous ramène à la pratique des berserks, les guerriers nordiques qui portaient des peaux de bêtes ( de loup, d’ours mais aussi de sangliers ), et étaient réputés invincibles, par leur fureur et leur identification à l’animal.

Revêtir la peau d’un loup vous donne l’identité et la force d’un loup, revêtir la peau d’un ours vous donne l’identité et la force d’un ours, et revêtir la peau d’un lion vous donne l’identité et la force d’un lion ( Hercule illustre cet exemple ) . Berserk concerne plutôt les hommes-ours ( ber = bear = ours et serk = shirt = chemise ). Pour les hommes-loups, le terme exact est wulfhednar.

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Hercule et sa peau de lion, tenant son fils dans ses bras.

 

Dans les croyances sur les berserks, il convient pour s’approprier la force de l’animal, de manger son coeur, son foie, ses reins, de s’enduire avec son sang avant de revêtir sa peau ( nous en avons un autre exemple dans l’histoire de Siegfried et Fafner ). Nous avons donc une explication probable du foie du bouc proposé par Ysengrin pour soigner le roi.

Berserk
Berserk, ou wulfhednar Plaque de bronze de l’âge de Vendel, découverte à Öland, Suède

 

Les méthodes diffèrent, mais l’identification à l’animal n’était pas seulement germanique ou nordique, on la retrouve chez les gaulois, chez les grecs, chez les tribus africaines et amérindiennes, et même dans les boxes animales des arts martiaux asiatiques. Plus anciennement dans la tradition égyptienne.

 

 

Anubis
Anubis. Les divinités égyptiennes sont parmi les plus anciennes représentations mi-hommes mi-animaux.

 

La peau d’animal servait à protéger la force vitale, les guerriers berserks étaient réputés invulnérables aux blessures, les coups ne pouvaent pas les blesser, une lame d’épée ne pouvait pas les couper.

Probablement la raison pour laquelle Renart propose une peau de loup au roi Noble.

Lorsque “le berserk” Ysengrin est privé de sa peau de loup, il est vulnérable, il ne peut plus se battre jusqu’à ce que sa peau revienne, il s’entraine alors et revient se venger.

 

La diabolisation

Il était coutume lors des anciens rituels du carnaval de porter des peaux de cerf, James Georges Frazer cite dans son livre Le Trésor Légendaire de l’ Humanité, une pratique du carnaval de Viza ( Thrace ) consistant à revêtir des peaux de boucs.

De nombreuses légendes racontent comment des hommes et des femmes normaux revêtirent des peaux pour devenir loup-garous, cette pratique descend certainement des berserks, et fut diabolisée par le christianisme.

A partir de l’ère chrétienne, les hommes-loups n’étaient plus des héros, ce ne sont plus les descendants d’Odin, de Zeus, mais seulement des sorciers, ou des marginaux malfaisants. Parfois des nobles, à l’image de Dracula, parfois des campagnards, pratiquant le paganisme, la religion païenne ( mot dérivé de pays et paysan ). La propagande ayant toujours plus de mal à s’étendre dans les campagnes, on y retrouve toujours plus de traditions.

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Lycanthropes. Gravures du Traité de physiognomonie de Charles Le Brun et Louis Morel d’Arleux, XVIIe siècle.

 

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Sigmund portant une peau de bête, par Arthur Rackham

 

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Dracula et le loup Bersicker par Ambroise Creich, d’après Bram Stoker

 

Autrefois l’identification à l’animal était totale, et lorsque nous lisons des histoires avec des loups ou des renards anthropomormes, il se peut qu’il s’agissent de guerriers humains identifiés au loup ou au renard.

Mais lorsque le pouvoir consiste à se changer en n’importe quel animal, nous parlons alors de thériantropie. Le Roman de Renart est-il une histoire de Thérianropes ?

Ce qui est sûr, c’est que le Roman de Renart n’est pas seulement une série de fables distrayantes pour enfants, ces histoires contiennent des références à notre ancienne culture, voire à la culture antique du monde entier.

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