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Halloween, ou la célébration de l’Equinoxe d’Automne dans l’Histoire Européenne

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A l’heure actuelle, nombreux sont les pays à marquer l’Equinoxe d’Automne d’une manière plus ou moins fidèle par rapport aux traces Historiques à notre disposition.
Occasion de rassemblement social autour d’une même table, réunion familiale, temps fort religieux ou encore manifestation festive et commerciale totalement dépourvue d’emprise spirituelle propre, cette période de l’année arbore bien des visages.

Si « Halloween » vient spontanément à l’esprit du plus grand nombre, au moins autant que la Fête de la Toussaint pour les Chrétiens d’Europe Occidentale, la célébration de l’Equinoxe d’Automne plonge ses racines dans des temps bien plus anciens.

 

La place de la fête dans le cycle de l’année

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Quatrième temps fort de l’année solaire en Europe depuis les premiers âges, la célébration de l’Equinoxe d’Automne revêt une signification particulière. A l’image de son jumeau, l’Equinoxe de Printemps célébré à l’occasion des Fêtes de Mai et que nous avons déjà traité dans un précédent article , il marque un changement de cycle, un passage d’un âge à l’autre, un changement tangible de période temporelle ; c’est une grande transition à l’inverse des Solstices d’Eté et d’Hiver qui eux, marquent un paroxysme au sein d’une même période.

Les traces les plus abondantes de célébration de l’Equinoxe se trouvent au travers de témoignages de la culture Celtique, notamment Irlandaise, et dont les écrits contemporains et postérieurs à la christianisation de l’Europe nous livrent quelques indices.
Appelée « Samain » ; « Samhain » en Irlandais ; et présentée dans de nombreux récits épiques comme la période où les limites entre les mondes tangibles et divins disparaissent ; c’est le moment de l’année où pour la deuxième fois les jours sont parfaitement égaux aux nuits. A ceci près que ce sont les nuits qui se rallongent et les jours qui se raccourcissent par la suite, la lumière s’égrenant lentement vers les ténèbres de l’hiver …

C’est au cours de cette période incertaine et dangereuse que les Anciens Celtes procédaient à nombre de rituels censés éloigner la « Vieille Cailleach » et sa troupe de mauvais esprits. Car avec le retour des ombres, c’était le règne de « Cailleach Bheur » (Kal Yaheh vîr), aussi appelée « Cailleach Beara », la vieille femme du froid, qui s’annonçait. Et avec lui son cortège de maux, de souffrances et d’attentes qu’il fallait endurer avant de peut-être revoir le jour et la chaleur de l’astre solaire à la nouvelle année.

Au fil du temps et de plusieurs édits et décisions pontificales, cette fête de l’Equinoxe d’Automne fut jumelée avec la Fête de tous les Saints que nous connaissons aujourd’hui. Cette Toussaint est l’un des temps fort du calendrier dogmatique et spirituel de l’Église Catholique qui y honore tous les Saints, reconnus ou non, et qui ont fait montre de droiture et d’abnégation dans la pratique, tant dans la Lettre que dans l’Esprit, des Trois Grandes Lois Théologales. A savoir la Foi, l’Espérance et la Charité qui mènent au Christ.

Notons que si la Fête de tous les Saints est fixée au premier novembre, elle n’est pas à confondre avec la Commémoration des Fidèles défunts qui est quant à elle célébrée le deux novembre. Cela dit il apparaît souvent que dans la conception populaire, les deux fêtes s’entremêlent en date du premier novembre.

 

Les éléments constitutifs de la fête

Le feu

Comme nous l’avons déjà évoqué dans de précédents articles, la symbolique du feu est extrêmement importante dans la conception spirituelle Européenne ainsi que dans sa célébration. Si l’Equinoxe d’Automne ne faisait pas exception, il avait cela de particulier qu’en plus de rappeler la lumière de l’Astre Roi, il avait fonction de protection.

En effet le point d’orgue de ces cérémonies étaient la combustion et l’entretien de nombreux bûchers en plusieurs points des domaines. Bûchers sur lesquels étaient immolés des mannequins représentant les serviteurs de la Vieille Femme de l’Hiver puis plus tard, des démons échappés de l’Enfer à la faveur du point d’équilibre entre Lumière et Obscurité.

Cet acte, véritable exorcisme à l’échelle de la communauté, permettait de mettre en garde l’Armée Maligne quand au traitement qu’on lui réservait autant qu’à la repousser encore un peu dans les Ténèbres.

Mais pour que la protection soit complète, chacun devait alors se saisir d’une torche allumée au brasier et courir autour de chaque champ, chaque verger, chaque étable et maisonnée afin qu’un même cercle de lumière entoure tout le domaine ; mettant ainsi à l’abri des velléités de la Maîtresse du Givre ce qui devait l’être.

Ce rituel durait probablement toute la nuit puisqu’avant l’aube les cendres blanches consumées de la veille étaient épandues sur les culture. Ceci afin de leurrer les hordes de sombres serviteurs qui, croyant déjà avoir tout recouvert du manteau de l’Eternité, s’en allait plus loin en quête de fruits à flétrir et de pierres à briser.

( cette bataille entre l’hiver et l’été, le camps de l’hiver balançant de la neige, et le camps de l’été revêtu de feuillages et combattant avec des épées à été abordé dans l’article sur Beltaine )

Aujourd’hui il est d’usage dans la communauté Chrétienne d’allumer bougies, cierges et lanternes chez soi autant que sur les tombes des défunts. Cette flamme a ici double vocation : symboliser la vie persistante parmi les vivants et au sein des foyers, et ce malgré l’annonce de mois plus sombres et plus froids. Mais aussi de signifier que même dans la mort, l’Ame des défunts brille encore et continue d’apporter la lumière de l’Espérance à ceux demeurés sur Terre, dans l’attente d’une vie heureuse après la mort.

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La « Nuit Espiègle »

C’est ainsi que l’on nommait celle qui deviendra plus tard « Halloween », la nuit précédant la Toussaint. En langue Irlandaise, « All Hallow’s Even », signifie la « Veille de la Fête de tous les Saints ». De contractions en déformations linguistiques dues à l’usage, « Hallows’Eve » évolua en « Hallowe’en » puis en l’« Halloween » que nous connaissons aujourd’hui.

Mais si c’est l’aspect mercantile qui semble l’avoir emporté aujourd’hui, rappelons que ce rite multi- séculaire n’avait rien de grotesque : c’est à l’occasion de cette nuit si particulière que les plus jeunes, appelés « Gwarchod » en Gaélique, grimés, le visage noircis par du charbon, portant masque effrayants et grimaçants, arborant fièrement des navets et des betteraves évidés et illuminés d’une chandelle, déambulaient à travers les rues et les allées. Habillés de peaux de bêtes ou de vieux habits salis et déchirés, ils étaient protégés des esprits malins dont ils adoptaient l’apparence et qui revenaient hanter les vivants à la faveur de l’Equinoxe.

Il apparaît que cette joyeuse troupe de garnements fusse conduite par un meneur revêtu des atours de la « Làir Bhan », la jument blanche qui dans la campagne Irlandaise, dirige les morts au son d’un cor ou d’une trompe. Ces « Masques » se livraient alors à toutes sortes d’exactions qui, si elles étaient sans gravité, demeuraient pourtant comme imputées aux mauvais esprits. On relève dans le textes des témoignages de paysans ou de notables qui retrouvaient leur charrettes égarées, leurs outils sur les toits ou dans les arbres, leur bétail en divagation ou encore leurs portes et leurs serrures recouvertes de mélasses à l’issu de cette nuit agitée.

Il est aussi rapporté que pour s’annoncer, ces enfants imitaient les grognements de bêtes fauves ou poussaient des cris démoniaques, de sorcières, … La maîtresse de maison devait alors, pour prévenir tous dégâts, ouvrir sa porte et livrer gâteaux, bière et étrennes à ceux qui personnifiaient les esprits des morts. Il s’agissait là d’une manière d’honorer et de protéger sa demeure et sa maisonnée, car qui refusait hospitalité, offrande ou nourriture aux défunts s’exposait à des représailles pouvant aller de simples tracasseries à bien pire.

Enfin, à l’issue de cette longue « Nuit Espiègle », il était de coutume de servir à la horde un ragoût mélangeant traditionnellement neuf ingrédients : du panais, du pois, du navet, des carottes, des poireaux, de la pomme de terre, du lait, du sel et du poivre.
La manifestation d’aujourd’hui n’est donc pas si éloignée du rite d’antan.

Le végétal comme témoin de résilience

 

Comme le seront le sapin et le houx au moment des célébrations du Solstice d’Hiver, les plantes et essences de l’Equinoxe d’Automne présentent une valeur symbolique propre.
Les chrysanthèmes qui fleurissent les tombes dans la tradition Chrétienne sont tout comme la chandelle mentionnée plus haut, un témoignage de la Foi en une vie heureuse après la Mort. Au demeurant, cette fleur aux nombreuses couleurs est synonyme d’amour de son prochain, de joie pure, d’espoir en l’avenir et est un marqueur d’éternité.

Le cyprès des cimetières, arbre résistant et à croissance lente, a su conserver dans l’imaginaire collectif la place qu’il occupait déjà chez les Grecques Anciens et les Celtes d’Irlande et d’Ecosse notamment. Tout comme l’if, il possède des aiguilles persistantes, un fruit brun rouge et son bois est quasiment imputrescible en plus de dégager une odeur d’encens. C’est donc tout naturellement qu’il fut rattaché à la notion d’immortalité et hérita du nom « d’arbre de la résurrection ».

Ainsi on les plantait par deux aux pieds des tombes des couples et isolés pour celle d’un enfant, permettant ainsi aux défunts de revenir au monde, transfigurés et épargnés par les affres du temps.

La vigne enfin revêtait une importance toute particulière car c’était généralement durant la période de l’Equinoxe que débutaient les vendanges. Si cet événement agricole et social mériterait plusieurs articles à lui seul tant il est dense et complexe, nous nous contenterons de préciser que le jus de raisin puis le vin, depuis l’Antiquité Celtique, est assimilé au sang et à la force vive de la Terre autant que des hommes qui la peuplent et la cultivent. Aussi, récolter le fruit de la vigne au moment où les Ténèbres se font plus menaçantes sonnait comme sauvegarder ce que la Mère Nourricière avait de plus précieux, car la force vive de ceux qui versèrent leur sang pour elle ne saurait être perdue.

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La fin d’un cycle et le début d’un autre

 

Si la signification de Samhain évolua profondément au fil du temps, que d’autres célébrations s’y lièrent, mêlant leurs rites et leurs logiques aux actions agro-pastorales déjà bien enracinées dans la vie populaire, il ne faut pas oublier qu’elle fut une fête majeure du « calendrier » Européen primitif. Marquant l’avènement d’un renouveau total où le cosmos dans son entier serait détruit puis rebâti, elle est avant tout la célébration de la fin d’un tout, préfigurant dans sa sublime chute un espoir, une quasi certitude en l’avènement d’un possible retour à la lumière.

On trouve dans cette vision première les indices qui laisseront préfigurer les grands épisodes apocalyptiques des croyances ultérieures, Ragnarök en tête, et qui seront abordés dans de prochains articles.

Pour l’heure, un cycle s’achève, un autre débutera. Mais il importe qu’entre ces deux temps suspendus, la Porte entre les Mondes ne reste trop ouverte.
Hâtez vous voyageurs ! Il ne fait jamais bon rester ici bas …

Simond